Le coup d’État monétaire perpétré contre la Grèce traduit le niveau de brutalité auquel la classe dirigeante allemande est prête à recourir pour perpétuer son hégémonie sur le continent.

La chancelière Angela Merkel a cédé, en fin de compte, aux partisans de la ligne la plus inflexible. En menaçant Alexis Tsipras d’une sortie immédiate et chaotique de la monnaie unique, elle a réussi en effet à lui imposer un nouveau programme de super-austérité, voué comme les précédents à l’échec et, au passage, à la démultiplication des souffrances pour le peuple grec. Ce qui ne peut que rendre un Grexit inéluctable à terme.

Aux yeux des dirigeants allemands, qui font de fait front derrière les positions, présentées bien à tort souvent jusqu’ici comme « radicales et isolées », du ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, l’essentiel n’est plus de maintenir la Grèce dans l’euro mais d’organiser sa sortie à terme – selon un processus qui permette de se prémunir des effets déstabilisateurs qu’un Grexit immédiat pourrait avoir sur le reste de la zone euro. Schäuble prétend depuis des mois qu’avec le Mécanisme européen de stabilité (MES), la zone euro aurait les moyens d’organiser cette « sortie bien ordonnée » de la Grèce de l’euro.

La vraie bataille pour le maintien de la Grèce dans l’euro commence donc par la résistance et la désobéissance aux nouveaux diktats austéritaires décrétés par Berlin et Bruxelles. En Grèce, bien entendu. Mais aussi et sans doute surtout dans le reste de l’Europe, où la soumission aux règles du « modèle allemand » a les mêmes conséquences sociales et économiques désastreuses. À commencer par celles que subit le peuple allemand dans sa grande majorité depuis la mise en œuvre de l’agenda « antisocial » de l’ex-chancelier Schröder.

L’Europe de la compétition 
rime avec régression nationaliste

L’émotion suscitée dans toute l’Europe par le coup contre le gouvernement grec élu – jusqu’en Allemagne, où la presse de ce 15 juillet réagissait globalement de façon critique au diktat de Merkel – peut constituer le point de départ d’une résistance à l’échelle du continent exigeant la mise en œuvre d’une Europe qui se fonde enfin sur le principe de la solidarité et non plus sur celui de la compétition entre ses peuples. Des millions de salariés, de citoyens peuvent se rassembler de Paris à Lisbonne, en passant par Madrid, Athènes et Berlin, pour une civilisation européenne enfin émancipée de la loi des plus forts et, singulièrement, de celle du capital alleman d. Et des idées alternatives fortes autour d’un autre rôle de la BCE, d’une politique du crédit s’émancipant peu à peu des marchés financiers, se plaçant au service de l’emploi et d’un vrai codéveloppement ont commencé de germer et ont gagné en crédibilité tout au long du bras de fer de ces dernières semaines.

L’enjeu de cette lutte paneuropéenne est immense. Car le couronnement de l’Europe de la compétition tant voulue par Angela Merkel rime inéluctablement avec régression nationaliste. Celle-ci est déjà présente, si l’on veut bien y regarder de plus près, dans les débats au sein des cercles dirigeants allemands les plus « radicalisés », qui voudraient rejouer de « l’atout » monétariste – n’a-t-il pas permis d’organiser, jadis, une annexion en bonne et due forme de l’ex-RDA – pour élargir encore leur domaine d’influence en Europe grâce au Deutsche Mark ressuscité ou à un « euro du Nord ».

Source : http://www.humanite.fr/le-modele-allemand-un-poison-pour-leurope-579576


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