moneybags-30556_1280-1Ceux qui réfutent l’existence de la haute bourgeoisie n’ont qu’à bien se tenir. En pleine période de crise économique, entre chômage record et récession de la production, les Français les plus riches ont vu leur fortune littéralement exploser. La vitesse inouïe à laquelle le grand capital se développe creuse le fossé entre les classes sociales et confirme la domination de la caste des milliardaires sur l’outil productif français. Les ennemis du progrès social ont un visage, et le faire connaître relève d’un intérêt supérieur pour la nation et son avenir.



Ils ne s’en cachent pas. Les Français les plus riches voient leur fortune gonfler à vue d’œil, tandis que la morosité imbibe toujours l’économie nationale. Sorti au début du mois dernier, le classement annuel du magazine Challenges étale les richesses d’une petite caste, si gigantesques qu’elles sont une injure pour le commun des travailleurs. En décryptant ces chiffres, la société française apparaît sous son vrai jour : un système capitaliste dans l’intérêt exclusif de la haute bourgeoisie, qui tire toujours ses abondantes ressources de l’exploitation de la classe ouvrière.

L’immense fortune des plus riches

Le capital cumulé des 500 Français les plus riches s’élève en 2015 à 460 milliards d’euros, cinq fois plus qu’en 1996. Si cet amas de richesses a tant augmenté, c’est notamment au cours des cinq dernières années : ce même montant n’était « que » de 200 milliards d’euros en 2009 – il a donc fait plus que doubler en cinq ans. « Pour accéder à ce club très fermé des 500, s’enthousiasme Challenges, la barre est élevée : il faut désormais peser plus de 80 millions d’euros, alors qu’il y a vingt ans il suffisait de l’équivalent de 16 millions d’euros. »

978776 25.10.2011 Машинист линии нарезки и упаковки укладывает пачки продукции в барабан для резки на фабрике ФГУП "Гознак" в Перми. Алексей Куденко/РИА Новости

Les mois qui viennent de s’écouler forment une « année exceptionnelle » selon Challenges ; plus on remonte le classement des grandes fortunes, et plus cette affirmation se vérifie. Les augmentations les plus fulgurantes s’affichent en haut du tableau, en particulier en ce qui concerne les seuls 10 Français les plus riches. D’à peine 20 milliards d’euros en 1996, leurs richesses ont atteint 71 milliards 322 millions d’euros en 2009 (1), pour s’élever en 2015 à 195 milliards 30 millions d’euros, selon les estimations relativement précises de l’hebdomadaire économique (2). En l’espace de cinq années, le capital des dix plus gros milliardaires français a bondi en moyenne jusqu’à 273% de leur montant initial.

Ce quasi-triplement de leur capital témoigne d’une opulence aux accents injurieux quand, dans la même période, l’économie française se trouve en berne et connaît même des années de récession. Tous les plus riches ont vu leur fortune s’envoler entre 2009 et 2015 : Gérard Mulliez et sa famille sont passé de quinze milliards à vingt-trois ; Liliane Bettencourt, de dix milliards à plus de trente ; Bernard Arnault, qui affichait déjà en 2009 un capital de 14 milliards 583 millions, culmine désormais à 34 milliards 660 millions d’euros. La fortune du vendeur d’armes Serge Dassault est passée de 4,7 milliards à 17,5 milliards d’euros sur la même période, et celle de François Pinault de 4,96 milliards à 12,7 milliards d’euros. Déjà milliardaires en 2009, Martin Bouygues a vu son capital doubler en quatre ans – malgré des pertes réalisées par son groupe en 2013 – tandis que le capital de Bruno Bich, propriétaire de la marque Bic, a gonflé de 40% en un an.

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L’ensemble du tableau affiche cette croissance inédite des richesses – mais c’est bien en haut que se trouve l’accroissement le plus phénoménal. Jamais les plus riches ne se sont enrichis aussi rapidement que lors des trois dernières années, tandis que des « nouveaux riches », comme le magnat des télécoms Patrick Drahi ou le fondateur de Free Xavier Niel, ont fait leur apparition dans le top 10 avec respectivement 16,7 et 7,8 milliards d’euros de capitaux.

Spéculation et exploitation

Le seul débat admis par le magazine économique sur le classement qu’il publie se pose par une question fallacieuse : les riches sont-ils héritiers ou entrepreneurs ? La France est une « terre d’héritiers » semble regretter Challenges, qui cite son homologue états-unien Forbes : « 30% des fortunes professionnelles françaises sont héritiers, contre 16% des fortunes américaines ». Et de mettre à l’honneur, tableau coloré à l’appui, les milliardaires du top 15 qui ne devraient leur empire commercial qu’à leurs propres efforts : Gérard Mulliez, François Pinault ou Pierre Castel.

Cette fausse problématique ne résiste pas à l’épreuve du réel : tous ceux qui tiennent la dragée haute dans le classement sont issus de familles bourgeoises, millionnaires au bas mot, qui leur ont fourni les richesses nécessaires à l’établissement de leurs enseignes. Tous hommes d’affaires, les personnalités figurant dans le classement de Challenges sont rompus aux pratiques de la négoce et du commerce, qui ont cours au sein de la classe capitaliste. Les 500 disposent, à eux seuls, de la propriété de toutes les grandes banques, les grandes entreprises et les grandes marques françaises – avec parfois l’appui d’un capital étranger. La plupart d’entre eux opèrent une « optimisation » fiscale, qui n’est rien d’autre qu’une gigantesque fraude coûtant à la France des dizaines de milliards d’euros par an. En outre, leur fortune n’est pas en réalité un simple patrimoine : il s’agit du capital, qui leur confère la propriété d’un vaste empire commercial bâti, le plus souvent, à la sueur des travailleurs français, asiatiques ou africains.

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En haut du tableau, derrière chaque fortune colossale se trouvent des milliers, des dizaines et parfois des centaines de milliers de salariés. Derrière Gérard Mulliez et sa famille par exemple, à qui appartiennent une foule d’enseignes – Auchan, Décathlon, Kiabi, Leroy-Merlin, Saint-Macloud, Midas, Flunch… – ce sont, au total, près d’un demi-million de « collaborateurs » qui font vivre les commerces en Europe et en Asie. C’est de leurs efforts, tant matériels qu’intellectuels, qu’est tirée la richesse faramineuse du clan Mulliez. Ce sont avant tout les travailleurs du Nord-Pas-de-Calais qui ont permis l’essor de cette famille spécialisée dans la distribution, qui, pour seul remerciement, fait remplacer les caissières par des robots et se niche en Belgique pour échapper à l’impôt français. Si le modèle des Mulliez est unique, car ne reposant pas sur un actionnariat boursier, il révèle les procédés qui ont lieu au sein de l’ensemble de la haute bourgeoisie, qui tient dans l’hexagone les rênes de la finance, de l’industrie et de l’agro-alimentaire.

La haute bourgeoisie aux commandes

Le capitalisme est un système structuré dans l’intérêt exclusif de sa classe dominante, à qui appartient le grand capital. Les 500 familles citées par Challenges détiennent à elles seules l’immense majorité des parts françaises des marchés financiers ; et les relations de pouvoir au sein même de la haute bourgeoisie se structurent sur un mode pyramidal. L’incroyable santé financière des dix plus grands milliardaires français, qui tirent à eux seuls le classement total en avant, provient du gigantesque capital financier dont ils sont les propriétaires, à une période où les actions s’envolent à contre-courant de la croissance économique réelle.

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C’est par un système complexe de holdings et comptes offshores – fonds de placements et comptes à l’étranger – que la propriété des grandes entreprises revient à la haute bourgeoisie. Bernard Arnault, selon Challenges, « possède 35% (de LVMH) à travers une cascade de holdings » qui lui ont permis, en une seule année, une augmentation de 10 milliards d’euros de son actif financier ; tandis qu’il détient « des (grandes) participations dans Carrefour (8,9%) et Hermès (8,5%) ». C’est « via leur holding familial Thélys » que « les héritiers d’Eugène Schueller détienne 33,09% » de L’Oréal, entre Liliane Bettencourt et Françoise Meyers. Les « familles Dumas, Guerrand et Puech, héritières de la marque Hermès, se partagent 62,95% du capital, dont 50,15% sécurisés au sein du holding H51 ». Inédite mais pas moins opaque, l’Association familiale Mulliez (AFM) « détenue à 88% par les membres de la famille » est une « communauté (de dizaines) d’entreprises » et d’autant de marques. Le milliardaire Serge Dassault détient ses parts dans ses sociétés d’aviation et d’immobilier à travers le Groupe Industriel Marcel Dassault (GIMD), tandis que le « nouveau milliardaire » Patrick Drahi contrôle le groupe Altice – SFR, Numericable, L’Express, Libération ; Suddenlink… – « à travers son holding Next LP ».

La complexité des montages financiers n’a d’égale que la simplicité avec laquelle les empires commerciaux se développent : c’est toujours et avant tout du travail des employés, mis bout à bout le long d’une longue chaîne de production, qui confère au capital ses richesses pratiquement inépuisables. En la période de morosité économique que nous vivons, il se trouve un lien direct entre la stagnation des salaires, en particulier du salaire minimum interprofessionnel (Smic), et l’augmentation des plus grandes fortunes. Les centaines de milliers d’employés, dont la force de travail est achetée au rabais en France, et plus encore en Europe de l’Est et en Asie, sont les véritables pourvoyeurs du tas d’or sur lequel la grande bourgeoisie est assise.

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Il s’exerce, en France comme dans le monde capitaliste, un rapport de forces permanent entre la classe capitaliste, qui achète la force de travail, et la classe ouvrière qui la vend – que ce soit dans les usines, sur les chantiers, ou dans les magasins et la restauration. C’est parce que ce rapport est toujours plus favorable à la haute bourgeoisie, en raison de l’émiettement des unités de production et de la vague de désyndicalisation opérée depuis un demi-siècle, qu’elle peut se permettre de se goinfrer des gigantesques gains de productivité réalisés par les salariés eux-mêmes, et reversée aux actionnaires sous forme de dividendes ou d’augmentation de l’actif. Le classe dominante capitaliste exploite la main d’œuvre à travers le monde, pour extraire les richesses en Afrique, transformer les biens en Asie puis vendre les biens de consommation en France, où la production industrielle a été consciemment mise à mort par une tertiarisation méthodique opérée par les propriétaires des grandes entreprises. Ce n’est qu’en prenant conscience de ce rapport de force, de son existence propre et de la nécessité de s’unir contre le véritable spoliateur, que la classe ouvrière française pourra relever la tête et œuvrer à la construction d’un monde fait de justice et de paix. Le chemin est encore loin tant les divisions intestines du peuple de France détournent l’attention des ultra-riches et de leur macabre entreprise de domination.

A l’échelle du monde, 80 individus possèdent autant de richesses que la moitié de l’humanité (3) ; il en est de même en France, où une poignée de familles ont la main-mise sur l’essentiel de l’économie, de son financement et de ses formidables richesses. Ce n’est qu’en identifiant les ennemis du progrès social tels qu’ils sont, c’est-à-dire la grande bourgeoisie et les milliardaires qui la dominent, que les travailleurs pourront mesurer l’inégalité et l’inefficience inhérentes au système capitaliste, et découvrir par-là même leurs propres intérêts. Seule une économie planifiée permettrait de sortir de la barbarie libérale – où les plus riches se divisent le gâteau, pendant que près de dix millions de Français sont privés de travail – et permettrait également d’atteindre, pour toutes et tous, l’authentique égalité sociale qu’un monde plus civilisé pourrait offrir.

B.D.

Références :

1: http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20090709.CHA2945/les-classements-des-fortunes-a-travers-le-monde.html(classement 2009 des dix Français les plus riches)

2 : Challenges du 9 juillet au 26 août, numéro spécial Fortunes de France.

3 : https://www.oxfam.org/fr/salle-de-presse/communiques/2015-01-19/les-1-les-plus-riches-possederont-plus-que-le-reste-de-la

Source : http://algarath.com/2016/09/03/scandaleux-fortune-10-francais-plus-riches-a-triple-2009/


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