Faisons un peu d’histoire, pour une fois. Revenons au XVIII e siècle, et un peu avant aussi, à la Cour de Louis XIV et Louis XV.

Et on va parler de ces histoires de messes noires, de réseaux pédocriminels et satanistes qui à l’époque ont bien existé.

Une historienne, Marion Sigaut, a ressorti des archives enterrées parce qu’elles abordent le tabou de nos sociétésl’exploitation sexuelle des enfants dans les hautes sphères

Plongeons donc dans cet Ancien Régime où la bourgeoisie prenait déjà le pas, via la magistrature et les banques notamment, sur l’absolutisme.

Dans une conférence publiée par un site avec lequel je ne suis pas en phase, dirons-nous,mais qui a le mérite d’aborder la question de la pédocriminalité en se limitant aux concessions légales de notre pays ‘de la liberté d’expression’, Marion Sigaut plante le décor en abordant l’affaire Damiens. 

Les historiens et ceux qui ont pu bénéficier d’une éducation décente (je pense aux plus de 30 ans) savent que l’affaire Damiens, c’est surtout le supplice de Damiens: un type torturé et écartelé pendant des heures, un fou disait-on.

Enfin, surtout Voltaire, le Maître de la pensée unique et de la propagande de l’époque dite des “Lumières”.

D’ailleurs, si on va sur la bible de la propagande, à savoir Wikipedia, on nous explique encore que Robert François Damiens était un fou (un “déséquilibré”, disait-on), qui a tenté d’assassiner Louis XV en raison de sa folie. De lui, on sait surtout qu’il a été le dernier écartelé de France, en 1757.

 

Damiens a été domestique chez plusieurs magistrats parisiens, et son frère travaillait aussi chez un conseiller du Parlement. Un jour de janvier, il décide d’attaquer le roi avec un canif, et même le roi, légèrement blessé grâce à ses épais vêtements, lui a pardonné.

Dès qu’il a été arrêté, le Garde des Sceaux a tenté de le faire tuer sur un bûcher, mais la “procédure” a été empêchée in extremis. C’est le Parlement qui a réussi à obtenir, exceptionnellement, de prendre en main le procès.

Les frères et soeur, la femme et la fille de Damiens sont très vite interrogés et mis au secret, puis le procès démarre le 12 février sous très haute surveillance.

Au cours de son procès, il aurait tout de même dit “Si je n’étais jamais entré dans les salles du palais, et que je n’eusse servi que des gens d’épée, je ne serais pas ici”.

Le Parlement l’a condamné à un supplice incroyablement sévère, pour des gens qui se revendiquaient lettrés et de l’esprit des Lumières.

On lui a brulé une main, puis on lui met les bras et les cuisses en tenailles, on jette de l’huile, de la graisse et du plomb fondu sur ses plaies, avant de l’écarteler avec quatre chevaux, étape qui dura plus d’une heure. 

Si bien que les médecins sont estimé qu’il fallait lui couper les nerfs pour finir de l’écarteler, ce qui a encore pris beaucoup de temps.

Le supplice fut si atroce que l’impopularité du roi n’a fait que grandir dans la population.

 

D’après le registres de l’enquête, Damiens avait une fille, Marie Elisabeth, car son fils était mort en bas age. 

Sa fille, comme la femme de Damiens, ont comparu au procès. Mais étrangement, sa fille a été arrêtée 4 jours après l’attentat, mais le premier interrogatoire qu’elle subit, officiellement, n’a eu lieu qu’un mois plus tard.

On connait presque chaque journée de Damiens dans les trois ou quatre mois qui ont précédé, pourtant il reste de grosses lacunes. On sait qu’il a été beaucoup torturé quand il a été capturé, mais on ne sait pas ce qu’il a avoué.

Apparemment, il a pluôt dit qu’il n’avait rien à dire, mais que sa femme et sa fille, dont il a d’abird tenté de dissimuler l’existence, étaient innocentes, et qu’il n’avait pas de complice. Il aurait dit que son geste avait été motivé par la religion, et parce que “tout le royaume périt”.

Il aurait aussi dit de “prendre garde” au Dauphin (car il allait être tué, selon les retranscriptions des interrogatoires), et que si on avait tranché la tête à cinq ou six évêques, il n’aurait pas commis cet acte.

En lisant ce que racontent les témoins les plus proches de la scène du “regicide”, on se demande même si Damiens a vraiment tenté de tuer le roi.

D’après Marion Sigaut, la procédure a été entachée de nombreux faux. Par exemple, un ordre est signé de l’Assemblée alors qu’elle ne s’est pas réunie ce jour-là.

Damiens passait pour un fou, mais d’autres disent qu’au contraire, il a gardé la tête haute jusqu’au bout.

Le supplice de Damiens



Sa fille et sa femme ont été obligées de quitter le royaume, ses frères et soeur ont été incités à changer de nom, on a détruit la maison où est né Damiens.

Mais que disait Damiens, pour passer pour un fou ? Il disait tout simplement qu’on lui avait enlevé sa fille. C’est du moins la théorie de Marion Sigaut, qui date ledit enlèvement en 1750, à cette période où les rumeurs dans Paris évoquaient de tels enlèvements.

Mais c’est contesté, car les historiens officiels se basent sur les registres, qui mentionnent bien que Damiens a une fille.

Certes, elle a même été arrêtée. Peut être en a-t-il eu une autre? Ou est-ce que Marie Elisabeth est la fillette enlevée? 


A cette époque en tout cas, il semble que “le roi se faisait livrer des petites filles”, notamment par la Pompadour, sa favorite vieillissante qui aurait trouvé ce moyen pour garder les faveurs du souverain.

Il les installait dans le Parc aux Cerfs, un pavillon un peu éloigné du château de Versailles.

Plan de Versaille à la fin du XVIIe siècle

Des jeunes filles de petite noblesse, voir des ouvrières âgées d’une quinzaine d’années dit-on aujorud’hui, y vivent et sont entretenues pour être à disposition du roi. Aucun des enfants n’était reconnu, et les filles étaient vite envoyées se marier en province.

On sait aussi que Damiens a été le domestique de plusieurs personnages de la Cour comme madame de Montmorency, ou encore le frère de la Pompadour, le marquis de Marigny, qui trempait dans les magouilles pédophiles de sa soeur.

De fait, Louis XV ne semblait pas effarouché par la jeunesse de ses “maîtresses”, comme Marie Louise O’Murphy, qui a été sa maîtresse entre ses 14 et ses 17 ans (elle a aussi un enfant de lui à 16 ans).

Comme par hasard, il semble que ce soit le frère de la Pompadour qui l’ait introduite auprès du roi. Marie Louise était vierge, condition sine qua non pour la suite, et elle faisait partie de celles qu’on appelait “les petites maîtresses” du roi.

Cependant, l’histoire officielle déclare que le terme “petites” ne fait pas référence à leur âge, mais au fait qu’elles n’étaient pas officielles. Ce serait

Marigny qui aurait fait faire le portrait de Marie Louise, nue, qu’il a présenté au Roi pour qu’il sache à quoi elle ressemblait.

Audience au Châtelet (l’un des lieux du Parlement) sous Louis XV

 

En 1755, le roi, qui l’avait appelée sa “petite reine”, la répudie et la fait expulser à 4 h du matin de la maison dans laquelle il l’avait installée trois ans plus tôt.

La même année, c’est encore la Pompadour qui organise son mariage. En fait, Marie Louise aurait été éjectée car elle voulait elle-même mettre la Pompadour sur la touche.

En 1749 le Dauphin, qui n’arrivait pas à avoir d’enfant, a fini par prendre une gamine de 4 ou 5 ans dans la rue, qui avait le malheur de passer sous ses fenêtres.

On l’appela Mademoiselle de Tourneville, on l’a lavée et on l’a envoyée au couvent des Ursulines “pour y être élevée et y avoir toutes sortes de maîtres”. Et personne à la Cour n’y a rien trouvé à redire.

En 1750, le curé de Saint Sulpice a dénoncé un bordel qui avait pignon sur rue au faubourg Saint Antoine, mais qui était réservé aux amateurs de petits garçons.

Le quartier semblait d’ailleurs réputé pour les rencontres homosexuelles.

La prostitution, même de majeurs, était alors interdite, et on la tolérait quand elle était discrète, ce qui ne semblait pas être le cas. L’homosexualité aussi était interdite, même si à la cour c’était très tendance de s’y adonner.

Enfin, le viol d’un enfant était puni de mort. Mais, bien sûr, quand il s’agit de la Cour, on ferme les yeux

 

Il faut dire que le XVIIIe siècle semblait partagé entre lubricité et religion, entre royauté et magistrature, et l’affaire de l’Hôpital Général sent bon de parfum de ce siècle qui, décidément, a des relents nauséabonds.

Qu’on connaît d’ailleurs très bien pour les subir encore aujourd’hui, ainsi que cette omerta qui interdit systématiquement d’attaquer les “notables” (pour qui, de quoi ? Enfin bref), et encore moins les “puissants”, ceux pour qui les lois n’existent pas, sauf pour réduire les crimes au statut d’infraction.

Voyons donc ce qu’est cette histoire de l’Hôpital Général, qui a précédé de peu l’affaire Damiens.

L’Hôpital Général, usine à gaz pour enfants et mendiants 

L’Hôpital général était un très gros complexe de bonnes oeuvres (regroupant notamme Bicêtre, la Salpetrière, la pitié). Il avait ses prisons, ses cimetières, ses lois.

Reproduction de la Salpétrière, un des bâtiments rattachés à l’hôpital général

 

Seul cet établissement pouvait recevoir la charité destinée aux pauvres.

Il avait littéralement un monopole sur l’aide aux déshérités, qui était en réalité de l’exploitation pure et simple dans des ateliers miteux ou de smanufactures voisines, et cela gratuitement.

Il y avait un site pour les hommes, un autre pour les femmes et les enfants, un autre pour les garçons de plus de 7 ans.

L’Hôpital général a été créé par un édit de Louis XV en 1656, et la gestion était totalement confiée à des magistrats nommés à vie. Enfin, seuls des laïcs y travaillaient.

Ce projet d’Hôpital général, en réalité, était une émanation de la Compagnie du Saint Sacrement dont Bossuet, le prince de Conti (après sa vie de débauche, dit-on) ou encore un paquet de curés faisaient partie. Fondée en 1630, elle était composée essentiellement de magistrats et de religieux.

L’Hôpital a vite été transformé en pompe à fric, opérant dans plusieurs grandes villes de France: des impôts spéciaux étaient levés pour le financer, en constante augmentation, on interdisait aux autres établissements de prendre en charge les mendiants (ces institutions ont même été absorbées par l’Hôpital général), et les lois contre ceux-ci étaient devenues tellement répressives que n’importe qui risquait de se faire embarquer par des gardes qui touchaient une prime pour chaque mendiant envoyé à l’Hôpital général.

Les enfants aussi étaient concernés: les gardes envoyaient des dizaines de gamins pris dans les rues en “renfermement” comme on disait, à l’Hôpital. Des gamins qui n’étaient pas du tout mendiants, qui avaient des parents, une adresse, et parfois un travail.

Enfin, comme les “mendiants” devaient travailler dans des ateliers, ils étaient largement “rentabilisés”. Jusqu’à 6.000 personnes y auraient été “renfermées”.

Ajoutons que la comptabilité était totalement opaque, et on aurait presque l’impression de lire un article sur les services sociaux français du XXI e siècle. Mais, on y reviendra un autre jour.

Paris au XVIIIe siècle, devant le Louvre

 

Fin 1749 éclate donc l’affaire de l’Hôpital Général. Des émeutes s’ensuivent pendant six mois. Les parisiens se plaignaient parce qu’on enlevait leurs enfants.

Des rumeurs qui remontent à 1720, et se font entendre depuis avec plus ou moins de force. De fait, au nom de la lutte contre la mendicité, on raflait des gens qui n’avaient rien de mendiants, comme de jeunes apprentis de 13 ou 14 ans qui passaient ou jouaient simplement dans la rue.

Des “exempts”, sortes de gardes, protégés par la police, kidnappent des couples de jeunes gens, des personnes isolées… On disait que les enfants étaient envoyés à l’Hôpital Général.

En mai 1750 a lieu la Marche Rouge: la foule prend d’assaut le commissariat de la rue Saint Honoré où s’est réfugié un dénommé Labbé, un indic protégé du chef de la police Nicolas Berryer, et qui raflait des enfants dans les rues. Il a finalement été lynché par la foule.

Le lieutenant général de police de Paris Nicolas Berryer reste pourtant en place, bien qu’il soit tenu pour responsable de ces enlèvements. Comme par hasard, Berryer avait été nommé lieutenant général de police de Paris par la Pompadour, encore elle.

Nicolas René Berryer (lien wiki)

Les deux se connaissaient avant que Jeanne Antoinette d’Etioles ne devienne “la Pompadour”, la maîtresse de Louis XV. Berryer avait été mis là “afin qu’il protège leur réputation contre des scandales issus de leurs relations.

Il occupa cette charge du mois de mai 1747 au mois d’octobre 1757. Il entre au Conseil d’État en 1751 (source Breguet, Déméter )”. 1757, c’est justement l’année du supplice de Damiens.

“Il créa à cet effet un cabinet noir, qui avait pour rôle d’ouvrir, de lire et de re-sceller la plupart des lettres passant par la poste (ce qui était possible, car très peu de français savaient écrire).

Ce fut le premier service au monde à agir ainsi à un niveau national”, nous dit-on encore sur un site dédié à la famille du lieutenant général Berryer. En 1958, la Pompadour le fait nommer ministre de la Marine.

D’après Marion Sigaut, qui a observé les registres d’entrée et de sortie de centaines d’enfants à l’Hôpital Général entre 1748 et l’été 1756, on ne sait pas ce qu’il est advenu d’une bonne partie d’entre eux, quand d’autres entraient et sortaient à plusieurs reprises de l’établissement sans qu’on sache pourquoi ni où ils allaient.

Certaines petites filles étaient prises à leurs parents enfants, et leur étaient rendues après être devenues pubères, vers 15 ans ou même bien plus tard.

Et la plupart des enfants de moins de 15 ans qui sont sortis de l’établissement durant cette période n’ont été confiés à la garde de personne (un peu plus de 200 enfants par an entre 1748 et 1756.

On sait aussi que des femmes enfermées à la Salpetrière, avec seulement des femmes et des conditions de détention des plus strictes, tombaient quand-même enceintes. 

 

Le parcours de la jeune Marie-Toussine Leblanc, qui avait deux parents mais a été envoyée à la Salpetrière en 1752, est assez marquant.

En 1758, le père de Marie-Toussine, alors âgée de 19 ans, demande qu’elle soit internée à la Salpetrière (à nouveau) pour inconduite: en effet, la demoiselle s’est prostituée dans plusieurs bordels, et cela depuis cinq ans. 

Mais, les parents étaient parfaitement au courant et consentants, disait l’une des maquerelles.

Finalement, on fit emprisonner la mère en concluant qu’il n’y avait aucun problème. De fait, après moins de trois mois à la Salpetrière lors de son premier passage en 1752, Marie-Toussine semble avoir été envoyée directement au bordel, où elle ne pouvait entrer qu’une fois déflorée. Marion Sigaut s’interroge: n’aurait-elle pas été déflorée à l’Hôpital Général ?

Les enfants totalement orphelins en bas âge allaient à la Couche jusqu’à leurs 4 ans. Ensuite, ils étaient transférés à la pitié pour les garçons, à la Salpetrière pour les filles.

Mais, certains convois avec plusieurs enfants mettaient parfois deux ou trois jours à arriver à destination, alors qu’il n’y avait que quelques rues à traverser. On ne sait pas pourquoi, ni où allaient les enfants.

De même, le taux de mortalité pose question. Sur seize fillettes arrivées le même jour d’octobre 1752, seules deux ont dépassé six mois à la Couche

Parmi les enfants arrivés de province, la mortalité était aussi catastrophique, alors qu’ils avaient survécu auparavant plusieurs années dans des conditions des plus précaires. Une partie de ces enfants ont-ils été envoyés aux colonies ? Rien ne le prouve. Ont-il servi aux orgies des grands de ce monde ?

En outre, le flic Poussot, sous-fifre de Berryer, quand il raflait des enfants, écrivait des commentaires tels que “belle figure” ou “bon à examiner” sur leurs fiches.

125 personnes ont été entendues par la police dans le cadre de ces “rumeurs”, disait-on, d’enlèvements d’enfants. Mais seulement une trentaine ont été arrêtées et condamnées.

Parmi les personnes arrêtées et condamnées, quelques uns avaient enlevé des enfants (ils ont eu 3 livres d’amende), mais d’autres étaient des émeutiers (trois d’entre eux ont été condamnés à mort par pendaison).

Une autre émeute intervient en août 1750 à l’Hôpital Général, ce qui amène Louis XV à demander une nouvelle gestion de l’établissement. Mais, le Parlement refuse.

 

1749, c’est aussi l’année où le prince de Conti (Louis François de Bourbon Conti), cousin du roi, franc-maçon probable, libertin laïque aux tendances pédophiles bien connues, est nommé grand prieur de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, c’est-à-dire l’Ordre de Malte, encore dit Ordre de l’Hôpital car ce groupuscule se voulait (et se veut toujours, d’ailleurs) eocuménique.

On dit que c’est grâce à la Pompadour, encore elle, qu’il est parvenu à ce poste.

Conti, à ce titre, a été nommé grand prieur du Temple, une zone franche où les lois du royaume n’avaient plus cours, en plein Paris, qui avait ses propres charniers.

Le roi ne pouvait rien savoir de ce qu’il s’y passait, et on n’hésitait pas à y imprimer des tracts contre lui.

Comme par hasard, les privilèges de cette zone sont tombés à la “Révolution”. Rousseau, alors proscrit du royaume, a été caché dans le Temple en 1765. C’est aussi là que Louis XVI a été emprisonné en 1792, dans la “Grande Tour”. 

Tour du temple

 

Autour de 3.000 personnes y vivaient, dont des nobles en froid avec la royauté ou des types poursuivis pour divers problèmes. Toutes les poursuites lancées par le royaume s’arrêtaient à la porte du temple. Mais, pour y vivre et s’y installer, les tarifs étaient bien plus élevés qu’en ville, et l’argent allait directement au Temple.

De nombreuses cérémonies y étaient organisées, dans l’église, mais des festivités s’y déroulaient aussi très souvent dans les salons.

Des abbés libertins y défilaient, comme l’abbé de Chaulieu, qui semblait fortement apprécier les éphèbes…

Conti a été nommé grand prieur de l’Ordre de Malte sans être croyant. A sa mort, il refusait encore de voir un prêtre. C’est donc que la religion, en France, était déjà en partie entre les mains d’athées proches de la magistrature.

Une fois installé au Temple, Conti prend même ouvertement des positions anti – absolutistes. Il prend alors pour bailli du Temple Louis Adrien Le Paige, un avocat qui était franchement contre la royauté et le pape.

C’est l’époque où un certain Poussot, inspecteur de son état aux ordres de Berryer, en charge de la suveillance nocturne de la ville, faisait enlever des enfants dans les rues.

Pour conclure avec l’Hôpital général, mentionnons les viols collectifs des femmes et fillettes de la Salpetrière lors des massacres de septembre 1792 par les “révolutionnaires”.

On n’en a pas parlé ou presque, évidemment, et l’histoire officielle a toujours cherché à minimiser cette barbarie.

D’aucuns parlent aujourd’hui d’une “trentaine” de viols à la Salpetrière, effectués pendant trois journées de flie pédophile. Même des enfants ont été tués.

Autres histoires glauques du XVIIIe siècle 

L’affaire Deschauffours illustre également cette atmosphère des plus lubriques, voir perverses, qui régnait dans les hautes sphères.

Quand la pédophilie passait pour un modèle dans certains milieux, même si elle restait discrète. Il n’y a qu’à lire certains textes du marquis de Sade ou de certains de ses contemporains pour le comprendre.

Etienne Benjamin Deschauffours qui se faisait aussi appeler le “Marquis du Preau”, était un proxénète de jeunes garçons du début du XVIII e siècle, qui tenait un bordel spécialisé.

Il a été condamné à mort pour avoir vendu un adolescent de 15 ans à deux vieux types, après l’avoir endormi.

L’adolescent s’est réveillé avec l’anus en sang, et l’affaire a fait grand bruit. Mais elle a été vite étouffée, en fait dès qu’on a sur que son réseau de clients s’étalait dans une bonne partie de l’Europe.

Le garçon, Thomas Vaupinesque, a dit avoir rencontré Deschauffours dans la rue (rue de l’Arbre-sec) où habitait un autre pédophile de l’époque, l’abbé Desfontaines. 

L’abbé Desfontaines, gravure par Desrochers

 

Mais, Deschauffours avait fait plusieurs victimes, et a même tué un jeune garçon qu’il avait frappé à la tête parce qu’il criait trop.

Parmi ses clients, quelques marquis dont le secrétaire du roi (qui venait souvent) et autres nobles, et des religieux. 

De l’avis commun, il y avait toujours beaucoup de monde à passer chez Deschauffours. Mais, le croirez-vous, aucun “notable” n’a été inquiété. Ils ont tous nié et malgré des témoignages à charge, ils no’nt été punis ni pour sodomie ni pour viol.

D’ailleurs, pour tenter de lutter contre les actes pédophiles, je constate que cette affaire Deschauffours est aujourd’hui revisitée par les défenseurs des pédophiles. Et Deschauffours passe pour une victime de la cause.

 

Quant à l’abbé Desfontaines, dont on vient de parler, il a été accusé de pédophilie à la même époque (1724 plus précisément) mais, devenu ensuite un “ennemi de Voltaire, d’après la littérature, a été défendu par celui-ci.

Voltaire est en effet parvenu à le faire libérer alors qu’il était parti pour finir brûlé en place de Grève.

Mais, juste après cette affaire, Deschauffours, lui, a quand-même fini à la place de Grève. En 1769, Voltaire a déclaré que Deschauffours avait payé pour Desfontaines, histoire de calmer la populace.

Voltaire a même le culot de dire que “des protecteurs” l’ont tiré d’affaire, alors que c’est lui-même qui était à la manoeuvre, et il l’avait même déclaré publiquement.

Et puis, c’est bien à lui que Desfontaines a écrit toute sa reconnaissance à l’issue de cette affaire.

Desfontaines, vieux libidineux, semblait être amateur des “petits savoyards”, souvent ramoneurs ou coursiers, toujours pauvres, qui étaient donc souvent à la merci de ce genre de vieux pervers.

Les petits savoyards aussi semblent d’ailleurs faire partie de la culture pédophile en vogue en ce moment.

L’abbé Deschauffours, donc, n’hésitait pas à proposer des partouzes à des jeunes garçons qu’il accostait même dans la rue, et cela dans un langage des plus crus semble-t-il.

Apparemment, Desfontaines s’est calmé après cette histoire, et on dit qu’il ne fréquentait des jeunes que pour les former à l’écriture. Ce qui serait très surprenant, mais passons.

Ce qu’il reste de l’affaire aujourd’hui, c’est surtout “l’ingratitude” de Desfontaines envers Voltaire son sauveur. Mais l’enquête ‘na pas été plus en profondeur, allez savoir pourquoi.

A ce sujet, notre cher Voltaire a même écrit: “Ce malheureux, qui veut violer tous les petits garçons et outrager tous les gens raisonnables, vient de payer d’un procédé bien noir les obligations qu’il m’a“.

Ce qui prouve que Voltaire savait très bien que Desfontaines était coupable. 

Voltaire


Il poursuit, n’étant apparemment pas le dernier à se faire plaindre : “Vous me demanderez peut-être quelles obligations il peut m’avoir. 


Rien que celle d’avoir été tiré de Bicêtre, et d’avoir échappé à la Grève.

On voulait, à toute force, en faire un exemple. J’avais alors bien des amis que je n’ai jamais employés pour moi ; enfin je lui sauvai l’honneur et la vie, et je n’ai jamais affaibli par le plus léger procédé les services que je lui ai rendus. Il me doit tout ; et, pour unique reconnaissance, il ne cesse de me déchirer”.

Tout cela amène à se demander ce qui pouvait bien se cacher derrière une telle inimitié du sauvé pour son sauveur, mais nous n’aurons probablement jamais le fin mot de l’histoire.

Marion Sigaut cite le commentateur de l’époque Restif de la Bretonne, dans sa chronique “Les nuits de Paris”, tome 8, partie 16.

De la Bretonne évoque en 1794 cette prostitution d’enfants, des plus abjectes, qui avait lieu au Palais Royal, centre de la vie politique et artistique parisienne, qui était aussi un haut lieu de prostitution à cette époque.

Je recopie le passage in extenso car finalement, rien n’a changé:

“Plus loin, je voyais une fille perdue conduisant une jeune fille à peine formée, mais charmante, dont elle allait immoler au vice les prémisses et la santé.

Un instant après, j’apercevais une horreur plus grande encore: c’étaient des enfants, des deux sexes, dans l’âge de la plus tendre innocence, provoquemment habillés, confiés à des matrulles [maquerelles], qui profanaient leur enfance et moissonnaient leur vie, comme la friandise de l’homme fait garnir de veaux nos boucheries..

Quelques filles mènent des enfants… dans la seule vue de se donner l’air honnête de mères de famille, afin de faire une illusion volontaire à de vieux célibataires blasés.

Mais d’autres prostituent ces tendres victimes de ces Tibères modernes, qui ont ce goût dépravé: filles, garçons, tout est égal, à cet âge, pour les débauchés.

Ils s’amusent de l’innocence des questions, de l’impudence que cette même innocence donne aux attouchements obscènes: quand ils ont excité leurs sales passions au point extrême, ils se servent de la bouche, au lieu des autres ouvertures encore interdites par la nature.

Quelquefois cependant, ils les forcent, et assez souvent la mort s’ensuit, pour les petites filles.

On paye alors l’enfant comme on paye un animal grevé de fatigue, un prix convenu d’avance, entre les parents et la matrulle, qui gagne toujours sur le marché: elle a ainsi son intérêt à sacrifier des enfants.

Et quelles sont ces victimes? Quelques fois out uniment les enfants d’une fruitière hôtesse de la Fille-perdue, ou des enfants volés dès l’âge le plus tendre; ou des enfants trouvés; ou des enfants achetés des gens les plus pauvres des faubourgs…

Cet infernal trafic existait dès avant le nouveau Palais Royal; il était la partie la plus abondante des revenus de l’exempt inspecteur des filles, et peut-être rapportait-il au lieutenant de police.

Il était trop odieux, pour être jamais dénoncé, ébruité, puni. Mais Mairobert, le censeur, le même qui s’est tué en 1779 aux bains de Poitevin, le connaissait, et qu’il est le premier qui m’ait fait soupçonner son existence…

Jamais je n’avais songé à le connaître par moi-même. Ce soir-là, ayant aperçu deux enfants, garçon et fille, conduits par une grande femme d’une assez belle figure, je les abordai.

La femme me demanda si je voulais monter. J’y consentis. Arrivé à l’entresol sou arcadien, elle me demanda lequel des enfants je voulais…

Et avant ma réponse, elle me détailla leurs lubriques talents. Tandis qu’elle parlait, ces malheureux enfants se faisaient devant moi, en feignant de jouer ensemble, des attouchements obscènes.

J’étais révolté; mais je conçus combien la marche que suivait l’infâme corruptrice devait exciter les libertins: car les enfants montraient successivement toutes les parties de leurs corps nues. I

l y avait cependant une chose repoussante; c’est qu’on voyait qu’ils ne jouaient pas; ils avaient l’air ennuyés, fatigués, peinés. Quant la femme eut fini le détail de la carte, elle renouvela la question.

Je lui répondis que j’en avais assez vu, que j’allais la payer. Que néanmoins je la priais de me donner quelques détails sur son état, et qu’elle n’en serait pas fâchée…

‘Mais je ne veux pas te dire… quoique je ne risque rien aujourd’hui! Tu as bien vu ces quatre femmes, qui ont aussi des enfants sans compter celles qu’on ne voit pas: eh bien il en a une qui accapare tous les enfants trouvés qu’on expose; elle a une femme pour ça.

Elle ne les fait élever que pas des chèvres, et elle s’y prend si bien, qu’elle n’en perd guère. Elle nous en vend à nous autres, quand ils ont l’âge. Cette femme est bien utile: elle donne souvent des arrhes à des femmes qui cachent leur grossesse à leurs maris, et qui viennent accoucher chez elle. Ce n’est pas tout: elle empêche bien des filles de famille, ainsi que des filles de maison, femmes de chambre et cuisinières, de détruire leur fruit, en retenant leurs enfants et en favorisant leurs couches.

Il y en a d’autres qui achètent les enfants des pauvres gens, qui ne peuvent pas les nourrir, en choisissant les plus jolis. Si dans ceux retenus au ventre de leurs mère il s’en trouve des difformes, on les porte aux enfants-trouvés. Mais si tard, qu’ils périssent tous.

Quelquefois, on parcourt ou l’on fait parcourir les provinces, pour en avoir de superbes. Alors on gagne la nourrice, qui vend l’enfant, qu’on fait voir malade au curé; elle part et l’on ensevelit les haillons dont le curé envoie l’extrait mortuaire…

On fait ici quelquefois ce petit commerce avec les servantes et les gouvernantes d’enfants; mais cela est rare, à cause du risque.

L’enfant tombe malade, parait languir quelques jours, puis mourir. On ensevelit des chiffons’.

‘Mais quel usage fait-on de ces enfants ?’. Alors la malheureuse me détailla les horreurs dont j’ai donné l’aperçu. ‘Nous sommes heureuses ajouta-t-elle, quand, dans les efforts, on ne nous rompt, on ne nous estropie pas un joli enfant: ce n’est que demi mal, quand un libertin ne fait que leur donner la vérole.

Nous avons des gens pour les traiter. Quand un enfant est trop délicat, nous ne faisons que le blanchir, pour le faire durer six mois, un an, pendant lesquels nous le mettons à toute sauce.

Je ne voulais pas, ou je ne pus en entendre davantage: je me trouvai mal et j’allais tomber.”

Poisons et messes noires 

Pour terminer cette balade dans le temps, on va remonter au siècle précédent, en pleine “affaire des poisons”. Un étrange mélange entre satanisme et filière d’empoisonneuses.

Entre 1679 et 1682, une série d’empoisonnements survient à la Cour, comme celui de Mlle de Fontanges, une favorite du roi décédée à 22 ans. Mais aujourd’hui il s’avérerait que les causes de sa mort soient naturelles…

Mlle de Fontanges

Tout un plan avait été échafaudé en vue d’empoisonner Louis XIV d’abord, puis Mme de Fontanges, et des hommes de main avaient été recrutés.

En outre, Mlle de Fontanges a bien failli être empoisonnée dans un couvent où elle s’était retirée après être tombée malade fin 1680. Elle est finalement morte en juin 1681, persuadée d’avoir été empoisonnée.

La marquise de Brinvilliers se retrouve au milieu du scandale, et sert de bouc émissaire. Celle-ci dit avoir été violée à plusieurs reprises durant son enfance, notamment par un de ses frères, et par son père, dès ses sept ans.

Mais les commentateurs de l’époque en ont conclu que la marquise de Brinvilliers avait le vice en elle. 

Elle finit par entreprendre d’éliminer son paternel à une dizaine de reprises en utilisant divers poisons (mais on a dit qu’elle avait assassiné son père pour voir son amant tranquillement).

Elle y parvient en 1666, avant de s’attaquer à ses frères. Elle se fait coincer à la mort de son ancien amant, qui avait une dent contre elle et avait déposé des preuves des empoisonnements de la marquise dans un coffre, à ouvrir à sa mort.

La marquise de Brinvilliers s’enfuit alors à Londres la même année, en 1672, et s’y fait attraper en 1676 pour finir décapitée en place de Grève après avoir été passée à la question.

La marquise de Brinvilliers, dessin de Charles Le Brun la représentant après sa condamnation

Elle aurait tout de même dit au cours de son interrogatoire qu’ “il y avait beaucoup de personnes engagées dans ce misérable commerce de poison, et des personnes de condition”.

Diverses personnalités lui auraient commandé des poisons, qui pour assassiner Colbert, qui pour assassiner la cousine du Roi Henriette d’Angleterre… La marquise de Brinvilliers passe alors pour la première “PME en poisons”.

Une science amenée, semble-t-il, par les Italiens. Pierre Louis de Pennautier, trésorier général du Languedoc et trésorier général du clergé de France, a été impliqué dans l’affaire, mais il a apparemment été sauvé par des amis bien placés.

D’après Marion Sigaut,la marquise aurait testé ses poisons sur les personnes internées à l’Hôpital Général.

L’auteure interroge: “Mais qui a bien pu l’autoriser à pénétrer ce lieu maudit et à user ainsi des enfermés ?

Qui d’autre que les magistrats, qui tenaient ferme les rênes de l’établissement et empêchaient quiconque d’y mettre son nez ? Ces mêmes magistrats qui, en la prévenant que son arrestation était imminente, lui permirent d’atteindre l’Angleterre…”

Quelques années plus tard, en 1679, on apprend que des épouses de divers parlementaires avaient acheté des poisons à une dénommée Marie Bosse, veuve d’un marchand de chevaux, spécialisée dans les chemises de nuit à l’arsenic (appelées “chemises accomodées” par la petite bande, elle créént des égratignures faisant penser à la vérole, la syphilis).

Bosse a été arrêtée au petit matin du 4 janvier 1697 et sortie du lit dans lequel elle dormait avec ses deux fils. Celle-ci dénonce alors “La Voisin”, la femme de Monvoisin.

Un certain nombre de femmes de la noblesse sont alors citées dans le dossier : Madame de Vivonne (belle-sœur de Madame de Montespan), Madame de La Mothe, Mesdemoiselles des Œillets et Cato (femmes de chambre de Madame de Montespan), Mme de Poulaillon qui a voulu empoisonner son vieux mari, la comtesse de Soissons, la comtesse du Roure, la comtesse de Polignac, la Duchesse de Bouillon (qui aurait voulu éliminer son mari pour épouser le duc de Vendome, et était entrée en contact avec La Voisin à cet effet), le maréchal de Luxembourg, le comte de Saissac qui voulait éliminer son frère, et d’autres.

Qui espéraient toucher les héritages ou vivre avec leur amant en se débarrassant de leurs maris, ou rayer un rival de la carte.

L’enquête est confiée à La Reynie, lieutenant de police. Pour juger l’affaire, Louis XIV créé un tribunal spécial qu’il appelle “La Chambre Ardente”, pour lequel on a accusé 442 personnes et arrêté 367 d’entre elles.

Le procès a duré trois ans, du 10 avril 1679 au 21 juillet 1682, quand le roi dissout la chambre après les dernières révélations fracassantes de différents sous fifres. La Voisin, quant à elle, a fini brûlée en place de Grève.

La Reynie n’est pas sorti indemne de cette enquête, semble-t-il. Il évoquait ainsi les faits concernant Mme de Montespan notamment, qui “ont été pénibles à entendre, dont il est si fâcheux de se rappeler les idées et qu’il est plus difficile encore de rapporter”.

Les deux employées de la Voisin ont été liquidées aussi: “La Bosse”, et “la Vigoureux”, qui est morte en passant à la question en mai 1679.

Pourtant, certains, comme Louis de Vanens, (qui impliquait à son tour le duc de Savoie) pourtant mêlés à des empoisonnements eux aussi, ont pu passer à travers l’affaire des poisons, et cela probablement en raison de relations dans la magistrature.

Vanens a été condamné aux galères mais le verdict n’a jamais été exécuté. Mme de Dreux, épouse d’un maître des requêtes au parlement qu’elle cherchait à assassiner, cousine de deux juges de la Chambre, est aussi passée entre les mailles du filet.

Car, l’affaire était sensible: on ne parlait pas seulement d’empoisonnements, mais aussi de messes noires et de meurtres d’enfants.

Le tout, pour permettre à l’une de conserver l’amour du Roi, à l’autre d’éliminer une rivale ou de toucher un héritage… De fait, la gent féminine constituait le gros de la clientèle de ces “devineresses” et autres empoisonneuses.

Toute l’affaire sera étouffée après que la fille de “La Voisin” ait parlé de diverses “poudres” concoctées par sa mère pour Mme de Montespan, mais surtout d’une messe noire organisée par sa mère et l’abbé Guibourg pour la favorite du Roi.

A l’issue de la procédure, le roi ordonne que l’affaire reste dans un “éternel oubli” et il rend un arrêt après la mort de la Reynie, le 13 juillet 1709, qui ordonne de brûler les “vingt-neuf gros paquets de divers registres”, procès-verbaux et rapports de police. 

En 1680, on demande à La Reynie de dire qui peut être libéré sans risque, qui peut être envoyé à l’Hôpital Général, qui doit rester en prison.

Tout ce qu’il reste aujourd’hui de cette affaire, ce sont les notes mises de côté par la Reynie.

Lesdites messes noires étaient célébrées par des prêtres débauchés et satanistes, comme Etienne Guibourg, un pro des poisons qui faisait aussi dans les messes noires et était en affaires pour cela avec La Voisin.

On dit que l’un de ses poisons, appelé “la grenouillette”, faisait mourir en riant. En fait, la victime avait les zygomatiques tellement crispés qu’elle semblait hilare pour l’éternité.

Une autre de ses spécialités consistait à égorger des bébés sur le ventre de femmes lors de messes noires au cours desquelles il en appelait aux démons.

En septembre 1680, deux témoins parlent de poisons destinés à Mme de Montespan, pour le Roi.

La Voisin a été brulée le 22 février 1680 après avoir dénoncé des personnes de l’entourage royal.

Elle avait même dénoncé Racine, qui aurait fait empoisonner Mademoiselle Du Parc, une comédienne de la troupe de Molière qui était sa maîtresse.

La Voisin, organisatrice de messes noires, avait été arrêtée à la sortie de la messe dominicale, qu’elle ne ratait jamais. La dame mène grand train, et aime la fête.

Accoucheuse qui sait aussi y faire avec les avortements, ou s’essaie à la voyance, elle a eu des démêlés avec la Justice mais a toujours pu s’en tirer grâce à des relations qui allaient jusqu’à la Cour, disait-on. Son bras droit durant les messes noires, c’était justement Etienne Guibourg.

Au sujet de cet abbé Guibourg, La Reynie écrit dans ses notes:

“Cet homme, qui ne peut être comparé à aucun autre sur le nombre des empoisonnements, sur le commerce du poison et les maléfices, sur les sacrilèges et les impiétés, connaissant et étant connu de tout ce qu’il y a de scélérats, convaincu d’un grand nombre de crimes horribles, cet homme, qui a égorgé et sacrifié plusieurs enfants, qui, outre les sacrilèges dont il est convaincu, confesse des abominations qu’on ne peut concevoir, qui dit avoir, par des moyens diaboliques, travaillé contre la vie du roi, duquel on apprend tous les jours des choses nouvelles et exécrables, chargé d’accusations et de crimes de lèse-majesté divine et humaine, procurera encore l’impunité à d’autres scélérats”.

Et le lieutenant général d’ajouter “Sa concubine, la nommée Chanfrain, coupable avec lui du meurtre de quelques-uns de ses enfants, qui a eu part à quelques-uns des sacrilèges de Guibourg, et qui, selon les apparences et l’air du procès, était l’infâme autel sur lequel il faisait ses abominations ordinaires, demeurera aussi impunie”.

Au fil de l’enquête, La Reynie se rend comte que La Voisin était à la tête d’une petite entreprise de crime: selon les demandes, elle dirigeait les clients vers divers “spécialistes” des filtres d’amour, des poisons, des “diableries”…

Une scène de magie noire pour Mme de Montespan est racontée par la fille de la Voisin: la marquise est entrée nue dans la pièce où l’attendaient la Voisin et Guibourg en chasuble avec des pommes de pin noires, précisent les écrits de La Reynie, puis elle s’est allongée sur un matelas, et Guibourg a célébré une sorte de messe pour qu’elle reste dans les faveurs du roi.

On mettait une serviette sur son ventre avec un calice par dessus, une croix sur la poitrine et Montespan tenait un cierge dans chaque main. Guibourg 
égorgeait un enfant au cours de ces cérémonies, puis le sang était versé dans le calice.

 

On dit qu’ensuite, les viscères et le coeur du bébé ont été récupérés afin de servir à fabriquer des poisons destinés au roi.

Apparemment, il y a eu trois cérémonies de ce type. Et d’après certains témoins de l’époque, elles auraient fait leur effet sur Louis XIV.

Les faits sont d’ailleurs confirmés par Mademoiselle des Oeuillets, la dame de compagnie de Mme de Montespan, qui venait souvent chercher des poisons pour sa maîtresse.

Guibourg l’a également reconnu en juillet 1680. quasiment tous les protagonistes connaissaeint Mlle des Oeuillets, pour lui avoir procuré des poisons ou bien pour assassiner le roi et mademoiselle de Fontanges, par exemple. Et puis, il y avait ces messes noires.

Toutefois, lesdites cérémonies n’étaient pas organisées que pour Mme de Montespan.

Le rite semblait même plus ou moins strict, puisque, par exemple, le prêtre pouvait aussi copuler avec la dame, ce qui était censé exciter les démons encore plus.

Diverses décoctions tout à fait ignobles à base sang de chauve souris, de sperme, d’insectes divers et moult ingrédients peu ragoutants étaient conçues pour faire office de filtres d’amour ou autres sortilèges.

La Voisin aurait avoué avoir fait disparaitre les corps de 2.500 enfants nés avant terme. La plupart devaient être issus d’avortements, mais d’autres ont du être utilisés pour des rituels.

La Voisin n’était pas la seule sur ce marché. La Reynie a aussi interrogé une certaine Françoise Filastre, dite “la Filastre”, capable d’utiliser ses propres bébés pour des sacrifices lors de messes noires dite par des abbés qu’elle connaissait bien.

Parmi ses clients, des nobles comme la duchesse de Vivonne, belle soeur de Mme de Montespan, qui cherchait à tuer son mari ainsi que Colbert, et à faire revenir Nicolas Fouquet aux affaires.

Du coup, en 1674 ou 1675, la Filastre, aidée par son amant l’abbé Cotton, a fait un pacte de sang avec le diable. 

 

C’est du moins ce qu’elle a dit avant de monter sur l’échafaud. Elle a d’ailleurs été jugée en l’absence du roi, par les magistrats, et Mme de Vivonne n’a pas été inquitiée outre mesure.

Sous la torture, la Filastre aurait déclaré avoir empoisonné Mlle de Fontanges pour le compte de Mme de Montespan. Le doute reste permis, d’autant que Louis XIV a interdit qu’on pratique une autopsie de Mlle de Fontanges.

Mais le roi ne voulait pas que sa favorite soit mouillée dans le scandale. Dès le moment où son nom et celui de sa dame de compagnie ont été cités, l’on s’est empressé de terminer le procès.

Le roi demande d’abord de mettre de côté certains témoignages, dont ceux de la Filastre et de la fille de la Voisin. Sur ordre du roi, les témoignages impliquant Mme de Montespan n’ont même pas été lus durant les audiences.

Mademoiselle des Oeuillets a été reçue par le ministre Louvois dans son cabinet, où elle a fermement nié connaitre qui que soit dans cette affaire.

Manque de chance, tous les témoins conviés l’aient reconnue, et le roi l’a envoyée à Montmartre dans un hôtel particulier et ne voulait plus la voir à la cour.

Quant à la marquise de Montespan, elle n’a même pas été bannie afin d’éviter le scandale. Mais, bien qu’elle soit restée à la Cour et que le roi sauvait les apparences en continuant à la voir chaque jour, elle a été clairement mise de côté.

Les huit enfants qu’elle a eus avec le roi et qui ont été reconnus ont été élevés par la nouvelle favorite de Louis XIV, Mme de Maintenon.

Après le procès, le roi fait détruire toutes les preuves qui restent. Ceux qui avaient dénoncé la marquise se sont retrouvés emprisonnés par lettres de cachet jusqu’à la fin de leurs jours.

Un paquet de “sorcières” et d’abbés ont été envoyés place de Grève, mais pas Guibourg qui, dit-on, a été sauvé par sa proximité avec Mme de Montespan. 

Il y eut 36 condamnations à mort (des gens du peuple), 23 bannissements, 5 condamnations aux galères.

Catherine Deshayes, dite la Voisin (1624-1680)

On constate qu’à la cour, les donneurs de leçons qui dirigeaient ou tenaient le parlement avaient une double face: grands moralistes prompts à torturer pour la bonne cause d’un côté, partouzeurs à tendance sataniste à l’occasion, leur esprit de corps a permis de laisser passer la tempête.

Sauf que… les gens savaient, et ils n’ont pas raté l’occasion de se venger, comme le montre l’épisode de la marche rouge.

Où l’on s’aperçoit que finalement, les “rumeurs” d’enlèvements d’enfants étaient bien réelles, et impliquaient les plus hautes personnalités. Alors circulez, y’a rien à voir.

Leitmotiv bien connu, qui n’est pas sans rappeler les affaires Dutroux, des disparues de l’Yonne, Alègre, Coral, Outreau…

Ce qui également inquiétant c’est de constater que la magistrature, qui avait la main sur le placement, est toujours dans la même position, avec les mêmes risques de dérives que ceux de l’Hôpital Général.

Aujourd’hui, les juges envoient en prison (surtout les pauvres d’ailleurs), placent les enfants (surtout les pauvres aussi), et nombre de juges des enfants gèrent aussi les foyers dans lesquels ils ont placé ces gamins.

On ne sera donc pas surpris que de temps en temps, malgré l’omerta corporatiste qu’on connaît, une affaire de juge des enfants pédophile qui a abusé d’un gamin qu’il a placé dans son propre foyer inspire quelques lignes dans les journaux…

http://lesavoirperdudesanciens.blogspot.fr/2015/10/les-reseaux-pedocriminels-aux.html

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Ma playlist de méditation que vous pouvez entendre aussi en cérémonie :
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1 Commentaire
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Origana
Oct 11, 2015 12:38 pm

Un super article, je l’ai lu d’une traite, merci beaucoup !! Une épouvantable époque, ce traitre de Voltaire, cette traînée de Montespan et la référence au Marquis de Sade ( les 120 jours à Sodome = c’est la description de ce qui se faisait à l’époque, écœurant au possible ).… Lire la suite »