Le langage Rastafari : Lyaric / Dread Talk — une langue de libération
Dans la culture rastafarienne, le langage n’est pas un simple outil de communication : c’est une arme de résistance contre l’oppression coloniale et la “mental slavery” (esclavage mental) dénoncée par Bob Marley dans sa chanson Redemption Song. Inspiré par des explications comme celles de la vidéo “POURQUOI LES RASTA PARLENT COMME ÇA ?” sur YouTube, cet article explore comment les Rastas, à travers leur dialecte appelé Iyaric (ou Dread Talk, Rasta Talk), déprogramment les mots pour libérer l’esprit des chaînes imposées par le système “babylonien” – un terme rastafarien désignant les structures de pouvoir oppressives issues du colonialisme et de l’esclavage.
Origines de l’Iyaric : Une Langue de Résistance
L’Iyaric est né dans les années 1940-1950 en Jamaïque, au sein de la communauté rastafarienne, comme une réponse consciente à l’imposition de l’anglais colonial. Comme l’explique un article sur openDemocracy, ce langage a été formé en résistance aux effets de la domination suprématiste blanche manifestée dans l’esclavage et la colonisation. Les Rastas considèrent que les mots portent une “vibration” (word sound power) qui influence la réalité spirituelle et mentale. L’anglais standard, hérité de l’esclavage, est vu comme un outil de manipulation qui renforce la soumission et la négativité.
Selon des sources comme The Collector, l’Iyaric est construit pour défier cette oppression en modifiant le vocabulaire anglais, en évitant les sons ou mots à connotations négatives, et en les remplaçant par des termes positifs alignés sur la philosophie rastafarienne. Ce n’est pas un dialecte aléatoire, mais une “déprogrammation” délibérée : les Rastas “bun” (brûlent, rejettent) les mots qui évoquent la mort, la soumission ou la division, pour affirmer l’unité divine (Jah) et la valeur intrinsèque de chaque individu.
Le Principe de la Déprogrammation : Word Sound Power
Les Rastas croient que les mots sont des sorts (spells) babyloniens qui maintiennent l’esprit en esclavage. Comme détaillé dans un glossaire rastafarien sur jahlove.ca, de nombreux termes anglais courants sont évités car ils cachent des liens avec la mort ou la défiance spirituelle. Par exemple :
- Understand devient overstand : “Under” implique une position inférieure, comme être “sous” quelque chose ; “over” évoque la supériorité et la compréhension élevée.
- Oppression se transforme en downpression : “Op” sonne comme “up”, ce qui est positif, mais le mot cache une pression “vers le bas” ; les Rastas le démasquent pour rejeter l’idée de soumission.
- Dedicate est remplacé par livicate : “Ded” évoque “dead” (mort), donc on préfère “livi” pour “live” (vie), affirmant la vitalité.
Cette déprogrammation vise à “émancipater l’esprit de l’esclavage mental”, comme le chantait Marley. Dans RE:ONLINE, on explique que l’Iyaric supprime les oppositions sujet-objet et utilise “I and I” pour remplacer “me and you”, soulignant l’unité divine : chaque personne est une manifestation de Jah, sans séparation. “I” (prononcé “aï”) est omniprésent : “I-ceive” au lieu de “receive”, “I-sire” pour “desire”, pour rappeler la divinité intérieure et rejeter l’ego babylonien.
Exemples Concrets de Mots Déprogrammés
Voici quelques illustrations tirées de sources comme Jamaican Patwah et Wikipedia, qui montrent comment les Rastas reprogramment le langage pour une vibration positive :
- Hello devient Irie : Un salut positif signifiant “tout va bien”, évitant les connotations neutres ou formelles.
- Television se dit “tell-lie-vision” : Soulignant que c’est un outil de mensonges propagés par les médias.
- History devient “his-story” : Critiquant l’histoire écrite par les vainqueurs coloniaux, souvent mensongère.
Autres exemples :
| Mot de Babylone | Transformation Rasta | Nouvelle Signification et Vibration |
| Understand (Comprendre) | Overstand | Se tenir au-dessus (over) du savoir pour voir large, plutôt que de se tenir en dessous (under) de l’information ou de l’autorité d’autrui. |
| Oppression | Downpression | Met l’accent sur l’aspect physique et émotionnel de l’oppression, le poids et la force qui poussent vers le bas (down). |
| Politics (Politique) | Poly-tricks | Souligne que la politique n’est souvent pas la recherche du bien commun, mais une série de tours ou de manigances (tricks). |
| Government (Gouvernement) | Government Mentality | Décrit le véritable objectif : gouverner les esprits (mentality), et non seulement les territoires. |
Ces changements ne sont pas anodins : ils servent à “overstand” (comprendre en profondeur) la réalité spirituelle, libérant l’esprit des conditionnements imposés par l’esclavage et le capitalisme. Comme noté dans un article de Science and Nonduality, cette approche non-dualiste (I and I) fusionne langage et spiritualité pour résister à la dualité imposée par l’oppression.
Impact sur la Libération Mentale
La déprogrammation des mots rastafarienne est une forme de guérison collective contre le trauma de l’esclavage. En modifiant le langage, les Rastas affirment leur identité africaine et divine, rejetant le “mental slavery” qui persiste via la langue coloniale. Des anthropologues comme ceux cités dans une bibliographie sur Tripod notent que l’Iyaric était initialement un langage secret pour contrer l’oppression sociétale, et qu’il s’est diffusé via le reggae.
Aujourd’hui, cette pratique inspire des mouvements mondiaux de décolonisation linguistique, rappelant que les mots façonnent la perception. Comme le dit un traducteur rastafarien sur TranslatorMind : “Keep ya heart straight, bredren, and I and I cyaa give up—Jah guide !” – une invitation à garder le cœur droit et à ne pas abandonner, guidé par Jah.
En conclusion, la vision rastafarienne de la déprogrammation mentale des mots est une quête d’authenticité spirituelle. Elle nous invite à questionner notre propre langage : quels mots nous enchaînent-ils encore ? En adoptant l’Iyaric, les Rastas nous montrent que la liberté commence par les vibrations que nous émettons. Irie vibes !


